Entretien avec Amilo, réalisé en Septembre 2019
NOTE PRÉLIMINAIRE: UN ENTRETIEN TÉLÉPHONIQUE A ÉGALEMENT EU LIEU. D’AUTRES QUESTIONS ONT PU ÊTRE POSÉES QUI N’ONT PAS NÉCESSAIREMENT OBTENU DE RÉPONSES. CE QUI SUIT EST LE COEUR DE L’ENTRETIEN ÉCRIT AVEC AMILO.
L’actualité récente a été marquée par les démêlés de Guy Marius Sagna avec la justice du régime. Assiste-t-on à une inquiétante dérive autoritaire au Sénégal ?
Je n’appellerai pas cela « démêlés » mais plutôt abus de pouvoir manifeste de la part de notre justice. Depuis un bon moment on assiste à une justice qui outrepasse grossièrement son autorité, le cas qui m’a le plus choquée est celui d’Amy Collé Dieng et je me pose toujours la question à savoir comment en sommes nous arriver là ? Guy Marius Sagna a donné son avis sur sa page Facebook et il a été déféré pour cela, il n’y a aucune démocratie au monde où on condamne une personne pour avoir dit ce qu’il pense. C’est de l’abus de pouvoir ni plus, ni moins. Je ne parlerai pas du nombre de personnes qui ont été en prison pour avoir posté un commentaire sur un réseau social. C’est juste aberrant
Pensez-vous que la justice est aux ordres de l’exécutif ? Si oui, quels sont à votre avis les autres cas qui en attestent ?
Cela va sans dire. Plus le pouvoir est grand, plus grande est la tentation d’en abuser, le pouvoir judiciaire rend compte à l’exécutif. Les procureurs ne sont pas élus, ils sont nommés. Et nous savons tous qu’au Sénégal les nommés dans tous les postes sont assimilables à des béni oui-oui. On dirait que leurs cordes vocales ne savent pas dire NON. Ca me fait directement penser à Barthélémy Dias qui a été arrêté pour meurtre, qui a pu bénéficier d’une liberté provisoire, puis refusant de rallier BBY a été renvoyé en prison.
L’affaire Khalifa Sall restera dans les annales, Khaf est un réel prétendant à la magistrature suprême. Son procès était digne du théâtre « poot mii » ; Très clair que son ambition politique l’a amené séjourné en prison. Ce pays est d’une tristesse extraordinaire
Adama Gaye qui est un danger permanent pour le régime en place a été amené en prison pour des raisons douteuses.
Bref il est temps de repenser notre justice qui ne devrait pas avoir pour vocation de priver des libertés ou de solder des comptes politiques. Sidy Lamine Niasse (paix à son âme) a plusieurs fois été une victime de notre justice aux ordres
Quand a commencé votre activité sur les réseaux sociaux ? Qu’est-ce qui vous plaît dans cet outil virtuel ? Vous exprimez-vous dans d’autres réseaux ou d’autres medias ? Avec la même fréquence ?
Je ne suis active que sur Twitter, figurez-vous je n’ai jamais eu de compte Facebook et je traine rarement sur Instagram pour partager quelques photographies. Ce qui me plait sur Twitter c’est plutôt la spontanéité et surtout le melting pot. Y’a du tout faut juste follow ses centres d’intérêts. A part ça j’ai mon mini blog sur médium que j’affectionne beaucoup
Votre franc-parler en déconcerte certains, d’où tenez-vous cette fibre combattive ?
J’ai horreur du mensonge et de l’hypocrisie. Toutes les personnes qui me connaissent peuvent en témoigner donc assurément je tiens toujours un langage de vérité. Je suis sincère et très honnête avec moi-même ce qui me pousse à dire ce que je pense, comme je le pense, je ne mets pas de glace sur mes propos c’est de l’hypocrisie de vouloir diluer ses propos. C’est déconcertant pour certains, c’est leur problème. Je ne suis pas dans la demi-mesure, on me déteste pour ça eh ben tant pis. En fin de journée je dors dans de jolis draps, tranquille avec ma conscience
Considérez-vous que vous êtes une « influenceuse » ?
Je ne connais toujours pas la signification de ce mot, je suppose que c’est une personne qui influence mais qui ? En ce qui me concerne, certes j’ai beaucoup d’abonnés et je suis très suivie, suivre au vrai sens du terme. Une personne peut avoir de nombreux « likes » ou « RT » sans pour autant que ce qu’elle dit importe. Chacun de mes tweets suscitent beaucoup de réactions même s’il n’est pas beaucoup retweeté. En faisant un tour sur l’activité du tweet, le nombre d’impressions est tellement élevé que ça me choque. Et pourtant je donne tout naturellement mes avis sur tout et rien, alors si cela peut impacter positivement sur la vie de certains tant mieux. Et je reçois énormément de messages d’encouragement pour mes prises de positions. Et souvent de filles plus jeunes que moi, qui voient en moi une référence
Beaucoup de jeunes sont actifs dans l’univers numérique, qui devient sur les réseaux sociaux un vrai phénomène. Pensez-vous que les solutions se trouvent dans la virtualité ?
Y’a du bon comme du mauvais dans le monde virtuel, il faut juste apprendre à utiliser ces outils à bon escient et surtout savoir que le monde réel est toujours à coté. Je ne sais pas de quelle solution vous parlez, mais beaucoup ont trouvé du boulot grâce aux réseaux sociaux, beaucoup se sont mariés grâce aux réseaux sociaux, certains y ont rencontré leurs meilleurs ami, d’autres y font des business, du volontariat. J’utilise twitter particulièrement pour mes coups de gueule, certaines associations sont nées sur Twitter, les activistes utilisent le numérique pour faire passer leurs messages et toucher beaucoup plus de monde
Twitter est devenu un baromètre de l’agenda médiatique. Entretient-il une culture de la facilité et des gloires factices ? Comment jugez-vous le paraître sur ce réseau ?
LOL cela n’engage que ceux qui y croient, si tu laisses les autres te font croire que tu es une star et que tu te comportes comme telle alors que dans la vraie tu n’as même pas 3 personnes qui se soucient véritablement de ta vie, tu te mens à toi-même. Je ne m’attarde pas trop sur le paraitre, je ne regarde que rarement les photos et vidéos des twittos, les tweets qui racontent leur vie, je passe généralement mon tour. Comme je le dis tout le temps, daniouy diakhaane di saw rek. L’avantage du virtuel c’est qu’on n’est pas obligé de tout voir/lire. La vie des gens ne m’intéresse pas, j’ai la mienne qui est ultra chargée donc j’ai de l’occupation
Y-a-t-il des valeurs sénégalaises que vous combattez ? Des valeurs que l’on retrouve grossies sur Twitter ?
Il n’y a aucune valeur sénégalaise sur Twitter : ni de soutoura, ni de tolérance. Même le cousinage à plaisanterie est source de problème sur Twitter. Si le massla est une valeur sénégalaise je le décris haut et fort parce que c’est une sorte d’hypocrisie déguisée qui est la source de tous nos maux
Dans notre entretien téléphonique, vous avez dit ne pas aimer les choses « carrées » « solennelles ». Est-ce qu’on peut toujours être dans la dérision sur tout ?
Selon moi, on peut rire de tout, absolument tout. Oui trop de sérieux m’indispose, j’aime le style décontracté
Est-ce que le refuge dans la légèreté n’est pas une fuite face à la difficulté des sujets réels ?
Je ne pense pas, c’est plutôt soit de l’insouciance et/ou de l’inconscience. On ne peut pas débattre de choses qu’on ne maitrise pas ou qu’on ne soupçonne même pas leur existence d’où cette légèreté. Faut que la jeunesse du Sénégal s’éduque, se prenne en main, relève les défis en ne pas se focaliser sur des détails et des débats de basse cour
Pensez-vous que votre génération a un rôle particulier à jouer ? Si oui, en faisant quoi ?
En se dotant d’une culture énorme, en conscientisant les plus jeunes et en s’engageant politiquement pour assurer la relève
Sur Twitter, la futilité prend-elle parfois le pas sur les véritables enjeux ?
Totalement et c’est tellement rageux de voir que ceux qui de manière générale représentent l’avenir ne s’intéressent que particulièrement à de faux débats et futilités. On peut s’amuser certes mais y’a un temps pour tout. Les enjeux du pétrole devraient beaucoup plus mobiliser que le football sous toutes ses formes. Mais limite on a l’impression qu’on a une jeunesse qui s’en moque éperdument et dans l’avenir ils vont se mordre les doigts
La jeunesse dakaroise, plutôt favorisée, n’est-elle pas surreprésentée sur Twitter au risque d’en oublier la totalité des jeunes non connectés et socialement défavorisés ?
En quoi la jeunesse dakaroise est-elle favorisée ?? Elle est surreprésentée certes mais presque tous originaires des régions. Twitter est juste une petite représentation, un échantillon de la jeunesse sénégalaise et comme ndiakhassou Baye Fall, y’en a pour tous les tissus. On ne sait pas qui est qui sur Twitter, à moins qu’on se connait dans la vraie vie, chacun peut revêtir le vêtement qui lui plait. Alors ce ne serait pas judicieux de parler de faveur
Pouvez-vous vous présenter (âge, ville, travail/études) ? Dans quelle famille êtes-vous née ? Où avez-vous grandi ?
Que faisaient vos parents ? Quelles études avez-vous faites ? A quoi rêviez-vous enfant ?
Pouvez-vous partager une anecdote marquante dans votre processus de militantisme ou dans votre enfance ?
J’ai représenté l’école Saldia pour le concours GUESTOU qui est comme le génie en herbe mais inter-écoles privés. Les deux meilleurs de chaque école participaient, ça reste graver dans ma mémoire parce que j’ai beaucoup appris avec et j’y ai appris à défendre mes idées. Au passage j’aimerai que ce genre de concours puissent être recrées, cela forge les enfants et fait d’eux des leaders naturels
Quand a commencé votre activité sur les réseaux sociaux ? Quel en a été l’élément déclencheur ? Avez-vous milité dans un parti politique, une association, un mouvement civil ? Si oui, lesquels, pourquoi et quand ?
Comme je l’ai dit si haut, je ne suis active que sur Twitter et ce depuis 2010, je tweete tout naturellement ce n’est pas de l’activisme. Jamais milité dans ces choses citées
Quelles sont vos passions dans la vie ?
J’écris/je lis à mes heures perdues, je joue au scrabble, je nage beaucoup et j’adore les photographies
Comment gagnez-vous votre vie ?
L.O.L
Certains disent de votre activité sur les réseaux qu’elle est « radicale », « impolie ». Qu’en pensez-vous ?
Vous savez les gens ont leur opinion sur moi, qu’ils tachent de la garder pour eux. Si ceux qui pensent du mal de moi savaient exactement ce que je pense d’eux, ils en diraient davantage….
Un moment a beaucoup marqué la twittosphère sénégalaise : votre prise de bec avec la fille de Aissata TallSall à la suite de son ralliement à la coalition de Macky Sall lors des élections. Pouvez-vous revenir rapidement sur cet épisode ? Quelles leçons en tirez-vous ?
Cette fille n’existe pas à mes yeux, quand j’ai lu son nom j’ai vu du blanc immédiatement. Elle n’est pas ma tasse de thé. Je ne ressens ni amour, ni haine, ni rancœur pour elle, elle n’existe juste pas pour moi. Cependant si j’ai quelque chose à dire sur Aissata Tall Sall et/ou sa transhumance je le ferai sans hésiter, n’en déplaise à qui que ce soit !
Vous n’évitez pas le conflit quand il se présente. Est-ce un trait de caractère ou l’expression d’un goût pour la vérité ?
Je dirai les deux, j’ai une très forte personnalité, ce qui me pousse à ne pas violer mes principes pour rien au monde. Ma vérité est ma vérité, je ne force personne à l’accepter ou à en faire sienne, personne en retour ne peut me refuser ma vérité. Après qui me cherche me trouve parce que je ne me cache pas loin
Pensez-vous avoir tort parfois ? Si oui, un exemple ?
Tout le monde se trompe, c’est humain.
Pensez-vous qu’il y a des clans sur Twitter ? Comment gardez-vous le sens de la vie réelle ?
J’avais une fois fait un thread pour parler des clans de Twitter mais c’était juste pour rigoler. Il ne s’agit pas réellement de clans, mais plutôt de groupes « d’amis » qui se connectent entre eux. Ce qui fait dire à certains qu’il y’a des clans, c’est les attaques groupées, ciblées qui à mon avis n’ont aucun sens et c’est lâche. Ensuite c’est les mêmes qui se plaignent quand l’un d’entre eux est la cible d’une attaque.
Quels sont vos références politiques, idéologiques et en termes de figures majeures ? Quelles personnes vous inspirent ?
Ca va faire bizarre mais je suis un condensé de Naomi Campbell, Marilyn Monroe, Coumba Gawlo, Fatou Diome et Lady Diana. Ces femmes là sont une source d’inspiration quotidienne pour moi : ils incarnent tout ce que j’aime (battante, liberté, féminité). Je suis de très près Cheikh Bamba Dièye et Babacar Gaye qui m’ont marquée à cause de leur constance
Pensez-vous que les réseaux sociaux au Sénégal reflètent les disparités de classes/castes ? Si oui, avez-vous des exemples ?
Je ne sais pas, je ne m’attarde pas à ce genre de choses, on est tous égaux sur Twitter. J’y suis pour le débat d’idées et me décontracter, nul besoin de savoir qui est le fils de qui ou qui a son compte en banque aux multiples zéros
Pensez-vous que le Sénégal que l’on voit dans les réseaux sociaux est fidèle à l’état réel du pays ?
En tout cas les rares fois que je vais sur instagram, je vois que tout y est trop beau pour être vrai. C’est loin d’être le calvaire quotidien du sénégalais lambda. Sur Twitter les gens sont dans la dénonciation. Par contre y’a le sénégalais et le sénégalais de Twitter. Le sénégalais de Twitter incarne la citoyenneté, la discipline, le patriotisme….ce qui est loin de la réalité
Quelle lecture faites-vous de la démocratie sénégalaise et plus globalement du dernier demi-siècle politique ?
J’ai voté pour la première fois en 2007, c’est à ce moment que j’ai eu l’âge de voter. C’est vers 2010 que la chose politique a commencé à vraiment m’intéresser. N’empêche l’histoire est là et elle se répète pratiquement. A part l’alternance de 2000, rien d’intéressant ne s’est fait en terme de démocratie dans ce pays où on incarcère une personne pour écart de langage, où les opposants sont mis aux arrêts. La démocratie est l’art de convaincre l’électorat par une vision et un programme, pas de museler une partie de la population pour être réélu. Ce qui m’exaspère le plus, c’est les mêmes têtes que nous voyons dans l’arène politique sénégalaise depuis notre naissance. Il faut une vraie rupture générationnelle, une séparation des pouvoirs et un changement radical de système
Vous sentez-vous parfois seule dans vos combats ? Si oui pourquoi ? Que reprocheriez-vous aux autres acteurs des réseaux sociaux
Les personnes en qui j’ai confiance sur les réseaux sociaux peuvent se compter sur les doigts de la main. Mes combats sont miens, j’attends personne pour me battre pour quelque chose qui y est juste et noble, si d’autres m’y rejoignent tant mieux. Néanmoins ce que je reproche à certains activistes c’est le fait qu’ils soient corrompus par le régime en place. Donc tout bonnement, ils sont dans certains combats pour leurs intérêts personnels afin de se faire remarquer, profiter des avantages et amasser de grosses sommes d’argent. A ceux là, on vous connait et on vous méprise
Vous n’hésitez pas à assumer des positions critiques contre l’homosexualité et sa promotion au Sénégal.Quel est votre position précise sur cette question ? Pensez-vous qu’il y a des promoteurs qui font tout pour le banaliser au Sénégal ? Si oui, qui par exemple ?
Mais y’a pas débat, l’homosexualité est interdite en Islam y’a pas de c’est-à-dire en plus d’être contre nature. Waly Seck fait partie des premiers promoteurs de l’homosexualité et presque toutes les ONG présentes au Sénégal. On ne peut pas être musulman et cautionner des péchés. Point à la ligne. Ma position est claire là-dessus, je ne tolère ni ne digère les homosexuels, si cela fait de moi une personne homophobe je suis cool avec
Pensez-vous que la religion, dans son expression, pose certains problèmes au Sénégal ? Si oui, comment oser le dire ?
La religion ne pose aucun problème, c’est l’interprétation qu’en font les pratiquants. Et la mauvaise interprétation est plus visible sur le mariage, la polygamie, les confréries…Vous pensez que Dieu nous a demandé de braquer des radios de mosquées sur les maisons des gens ?? Vous pensez par exemple que Dieu nous a ordonné de barrer des routes pour des conférences, dahiras ou cantt ?? Le problème c’est nous !
Avez-vous des ambitions politiques d’exercer le pouvoir ou l’activisme est le seul horizon pour vous ?
Aucune ambition politique pour le moment, suis superbement à l’aise dans ma position préférée de « critiqueur »
Que pensez-vous des intellectuels sénégalais ? Qui a les faveurs de votre soutien ?
Un intellectuel pour moi c’est quelqu’un qui sait discerner le bien du mal et le vrai du faux, alors tout le monde peut se proclamer et se réclamer intellectuel. Alors je ne soutiens personne, je suis d’habitude plus séduite par la dimension humaine d’une personne.
La France est-elle selon vous responsable des problèmes sénégalais actuellement ?
Ben absolument pas, nos problèmes sont endogènes, ils découlent de la dépendance volontaire de nos dirigeants envers la France. La France ne nous doit plus rien, à nous de voler de nos propres ailes, on a toutes les ressources nécessaires pour
Comment mesurez-vous la responsabilité locale ?
Pourquoi dans la critique contre la France, à votre avis, omet-on les médias français de la diaspora (RFI, Jeune Afrique, Le Monde Afrique) ? Empêchent-ils la presse locale comme dans l’économie, de se développer ?
Les médias français se soucient beaucoup plus des problèmes sénégalais que nos médias locaux. Ces médias internationaux traitent nos maux avec une diligence et une humanité remarquables pendant ce temps nos médias à nous, nous bombardent de faits divers. Donc même si ces médias français seront critiqués, ca se fera avec beaucoup de modération
Comment appréciez le fait qu’on en jamais eu autant de discours sur la décolonisation sans pour autant vaincre la tentation grande de l’exil en Occident (77 % des jeunes selon l’IFAN) et la mise sous tutelle de notre économie par (La France, La chine, Le Maroc…)
Les discours sur la décolonisation émanent directement d’une certaine élite occidentalisée vivant le plus souvent en occident. Leurs discours sont souvent vains face à des jeunes sans perspective d’avenir dans leur propre pays (chômage, manque d’éducation…) Il n’y a pas que notre économie qui est sous tutelle même nos habitudes culturelles. Nous perdons tellement en culture, au Sénégal par exemple, on prend le petit déjeuner au Brésil ou en Côte d’ivoire en consommant leur café, on déjeune en Chine avec leur riz, on dine au Maroc avec leur couscous ou en Italie avec les pâtes. Vous vous rendez compte de la dégradation identitaire qui ruine par la même occasion notre économie pour un pays immensément riche en ressources ? Une politique de nos dirigeants qui a foncièrement échoué sur tous les plans, résultat : tout le monde veut partir
Depuis une décennie, les mouvements civils, jeunes, se dégageant de toute affiliation politique classique, sont devenus des acteurs majeurs de la scène de contestation. Comment jugez-vous leur bilan après la réélection de Macky Sall ?
Le seul mouvement qui a fait la différence jusque là est Y’en a marre à mon avis, ils ont joué un rôle décisif dans les élections de 2012. Après l’élection de Macky Sall ils étaient presque aphones, ils avaient perdu leur hargne qu’on leur reconnaissait. C’est en 2017 si je ne m’abuse qu’ils sont revenus au devant de la scène mais en perdant en crédibilité. Dans l’ensemble ils sont performants et capables de mobiliser. Ce qu’il faut retenir c’est qu’un jet de pierres peut faire vaciller un éléphant
Qu’identifiez-vous comme l’équation à résoudre pour redonner à la politique et au politique du crédit ?
Que la jeunesse se politise, intègre les partis pour gagner en expérience, faire la politique autrement en évitant les mensonges, les promesses, le populisme, être proche et à l’écoute des populations. Une nouvelle vague de politiciens dignes et intègres seront dans ce cas à la tête de nos institutions dans 10, 20 ans
Le combat pour la décolonisation est devenu très intense, porté par des intellectuels de renom. La ville de Dakar en est devenue la place forte, avec les ateliers de la pensée. Pourquoi n’y-a-t-il pas jonction avec vous, qui partagez théoriquement le même combat ?
Ce n’est pas mon combat et ça ne le sera pas ; très honnêtement je ne les suis même pas. La décolonisation elle s’est faite en 1960 et pour cela je suis parfaitement en phase avec Fatou Diome quand elle demande à ce qu’on arrête la victimisation. Au moment d’accéder à l’indépendance, le Ghana par exemple avait le même PIB et le même niveau de vie que le Japon qui pourtant a vécu les bombardements Hiroshima et Nagasaki. Mais à force de travail d’abnégation, de persévérance, le Japon est aujourd’hui l’un des pays les plus puissants du monde et talonne de très près les États-Unis.
Vouloir s’attarder sur la décolonisation n’est que pur suicide pour un pays comme le notre qui a du pétrole, un fleuve navigable, le soleil et une main d’œuvre jeune. Notre passé ne nous définit pas et ne doit en aucun cas définir notre futur
Que pensez-vous du féminisme sénégalais ? Quels combats souhaitez-vous mener ?
Mal compris par les femmes et les hommes sénégalais dans leur globalité. C’est vraiment compliqué. Je suis plutôt pour le women empower women. Que toutes femmes s’unissent et on fera ensemble de belles choses !
En 2007, quand vous avez voté pour la première fois, pour qui ? Et pourquoi ?
Pour répondre à cette question, j’étais obligée d’aller fouiller très loin dans ma mémoire. Je ne suis pas surprise de constater que j’ai voté Cheikh Bamba Dièye. Je suis toujours dans ma logique de ne pas voter pour un politicien au vrai sens du terme. J’ai beaucoup d’affection pour l’homme en question. Je le trouve constant, posé, cultivé et bagarreur quand il le faut. Il est toujours dans des combats de principes d’où sa cohérence et je m’identifie beaucoup à lui. Mon choix de vote a toujours été simple : élire un gars de la société civile ou bien quelqu’un qui ne vient pas de nos partis politiques classiques, même s’il ne bosse pas, on aura un moment de répit par rapport à la politique politicienne. Et en 2007 Cheikh Bamba Dièye incarnait mieux cela. Il fait partie des hommes politiques sénégalais que j’admire et respecte le plus pour sa franchise, après vient Babacar Gaye pour son honnêteté intellectuelle.
Pourriez-vous nous dire quelles valeurs sacrées vous ont été transmises dans la famille ?
Je ne parlerai pas de « sacré » parce que je peux me réveiller un beau jour et fouler au pied toutes ces valeurs au nom de MA liberté. Cette question est tellement complexe. J’ai grandi dans une famille où il n’y a pas de norme hiérarchique, la plus petite personne a le droit de s’exprimer librement, de faire ses choix de vie…d’aucuns me reprochent ma liberté de ton ce que je leur concède, mais il est nécessaire qu’ils sachent que leur morale n’est pas mienne. Ma morale n’est pas la leur. Ce qui me dérange forcément ne les dérange pas et vice versa. On me juge beaucoup par rapport à cela et ça ne me dérange pas. Je continuerai d’user de cette liberté d’expression pour dire au passage que je juge fort les gens qui ont des tatouages, les gens qui consomment l’alcool et les filles qui fument. C’était une petite parenthèse, je suis issue d’une famille très honnête. Je pense que je puise ma franchise directement de l’éducation que j’ai reçue : je ne sais pas mentir, je ne sais pas tricher. J’ai grandi avec des parents très généreux, dans l’effort, dans le travail, dans le partage. Cette famille m’a transmise des valeurs comme la dignité, j’ai commencé à travailler tôt pour ne rien devoir à personne et toujours marcher la tête haute. Et surtout avoir confiance en moi
Quelles formations avez-vous suivi dans vos études ?
Lol LA question. Vous savez j’ai toujours gardé certaines choses pour moi, je ne les partage jamais dans la sphère publique à plus forte raison sur un réseau social. C’est trop personnel. Nombreux sont ceux qui pensent que je me cache. Absolument pas. C’est un choix que j’ai fait. Ma présence sur Twitter c’est pour les coups de gueule. Mais puisque vous insistez…je suis diplômée en communication…
Que pensez-vous des ‘Africtivistes’ ?
En fait je pense que c’est la prolongation de #Sunu2012 qui avait considérablement participé à la destitution de Wade. Ils ont fait un travail remarquable à l’époque, ils étaient devenus aphones à un moment. Puis Africtivistes fût créé, je n’en sais pas trop vu que je ne les ai pas suivi. Néanmoins je pense que toute activité qui lutte pour la démocratie est à saluer